Droits des harkis algériens en France : Emmanuel Macron interpellé

Un groupe de députés du parti  Les Républicains, ont adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron l’exhortant  de faire un geste pour les harkis. Les 33 députés de la droite demandent au président français de verser aux harkis et à leurs descendants "une indemnisation spéciale" s'ajoutant à l'allocation spécifique déjà en place. 

Dans une lettre ouverte publiée ce dimanche 4 juillet, par Le Journal de Dimanche, le député  Républicain  Julien Aubert et 32 autres députés LR exhortent Emmanuel Macron à faire un geste pour les harkis. « La France doit faire un geste fort de reconnaissance envers les descendants de ceux qui ont donné leur vie ou qui se sont engagés pour elle, » a-t-on écrit.

Les parlementaires soulignent que « Si une allocation de reconnaissance spécifique a été mise en place pour les harkis, une allocation ne vise pas à réparer mais témoigner d'une solidarité ».

Les députés de la droite,  demandent « solennellement, pour les harkis et leurs ayant-droit, une véritable réparation de ce qui leur a été infligé lors de cet accueil, qui passe par une indemnisation spéciale versée à l'occasion du soixantième anniversaire des accords d'Evian ».

Texte intégral de la lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron

"Monsieur le Président,

Dans moins d'un an nous commémorerons le soixantième anniversaire des accords d'Evian, signés le 18 mars 1962 entre les représentants du Gouvernement de la République française et du Gouvernement provisoire de la République algérienne pour mettre fin à la guerre d'Algérie.

Ces accords, bien que prévoyant un cessez-le-feu entre les parties prenantes, ont malheureusement été suivis, jusqu'à leur ratification officielle par voie référendaire le 8 avril 1962 côté français et le 1er juillet suivant côté algérien, d'une période de violences accrues.

C'est durant ce laps de temps qu'une grande partie des harkis ont été impitoyablement massacrés, parce qu'ils avaient choisi la France. Les historiens estiment ainsi, bien que les chiffres divergent beaucoup, qu'entre 50 000 et 70 000 harkis ont été assassinés après le cessez-le-feu, en représailles de leur engagement. Loin de ramener la paix entre les populations en Algérie comme cela était souhaité, ces accords ont ainsi au contraire ouvert une période d'une violence extrêmement forte.

« La France doit faire un geste fort de reconnaissance envers les descendants de ceux qui ont donné leur vie ou qui se sont engagés pour elle »

Notre pays s'est engagé dans un travail de reconnaissance de ses torts durant ce conflit. Le rapport de l'historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie vous a été rendu le 20 janvier dernier. Nous avons accompli par ce rapport un geste de reconnaissance des erreurs commises par notre pays dans cette guerre, parfois d'ailleurs avec une certaine sélectivité : le rapport préconise par exemple une commémoration pour le 17 octobre 1961, date de la répression de manifestants algériens à Paris, un événement controversé qui ne fait pas consensus chez les historiens, mais oublie les attentats précédents commis par le FLN contre les policiers.

De plus, ce geste de reconnaissance a été unilatéral : le pouvoir algérien n'a en effet pas pris la peine à ce jour de faire de même, alors qu'un rapport parallèle avait été annoncé.

Monsieur le Président, la réconciliation ne peut pas se faire que par la volonté d'une seule des deux parties. Elle ne peut pas se faire non plus si les actes de reconnaissance et de réparation sont sélectifs.

L'apaisement entre les différents acteurs de ce conflit ne pourra se faire que si chacun a le sentiment d'avoir été considéré comme il se doit. La France doit faire un geste fort de reconnaissance envers les descendants de ceux qui ont donné leur vie ou qui se sont engagés pour elle. Vous avez indiqué vouloir participer à la commémoration du 25 septembre prochain à l'occasion de la journée nationale des harkis. Au-delà de cette présence nécessaire, il faut également des actes forts.

Plusieurs présidents de la République ont reconnu successivement la responsabilité du gouvernement français dans l'abandon des harkis.

« Si une allocation de reconnaissance spécifique a été mise en place pour les harkis, une allocation ne vise pas à réparer mais témoigner d'une solidarité »

Nous souhaitons surtout qu'une réparation soit mise en place pour les conditions indignes dans lesquelles ils ont été accueillis en métropole. En effet, les harkis rapatriés, parmi lesquels notamment figurait le bachaga Boualam, qui a présidé le Front national des rapatriés français de confession islamique, ont été honteusement accueillis dans notre pays alors qu'ils fuyaient leur terre. C'est grâce à des militaires ayant assuré leur transit depuis l'Algérie pour assurer leur protection, contre les ordres officiels, que ceux-ci ont pu parvenir jusqu'en France. Environ 40.000 d'entre eux ont alors été regroupés dans des camps aux conditions d'hébergement complètement insalubres, comme celui du Larzac. La France a manqué à son devoir d'accueil de ceux qui l'avaient défendu.

Si une allocation de reconnaissance spécifique a été mise en place pour les harkis, une allocation ne vise pas à réparer mais témoigner d'une solidarité. Pour apaiser les mémoires, c'est aujourd'hui d'une réparation dont ont besoin les familles de harkis. Celle-ci serait d'ailleurs dans la suite logique de la condamnation de l'État français prononcée par le Conseil d'Etat le 3 octobre 2018 et qui l'a enjoint à indemniser le fils d'un harki pour l'accueil indigne qui lui a été réservé.

Aussi, Monsieur le Président, nous vous demandons aujourd'hui solennellement, pour les harkis et leurs ayant-droit, une véritable réparation de ce qui leur a été infligé lors de cet accueil, qui passe par une indemnisation spéciale versée à l'occasion du soixantième anniversaire des accords d'Evian.

Ce geste doit être l'occasion de leur dire et de leur prouver une nouvelle fois : la France n'oublie pas ce que vous avez fait pour elle et nous partageons votre douleur. C'est ce message que nous devons leur porter : la France a conscience des dommages qu'elle vous a infligé lorsque vous avez cherché refuge sur le sol métropolitain, aujourd'hui elle souhaite, autant que possible, les réparer.

Confiants dans l'attention que vous porterez à cette requête, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre très haute considération."

Les signataires : 

- Julien AUBERT, député du Vaucluse

- Emmanuelle ANTHOINE, député de la Drôme

- Édith AUDIBERT, député du Var

- Thibault BAZIN, député de Meurthe-et-Moselle

- Valérie BEAUVAIS, député de la Marne

- Philippe BENASSAYA, député des Yvelines

- Anne-Laure BLIN, député de Maine-et-Loire

- Jean-Yves BONY, député du Cantal

- Bernard BROCHAND, député des Alpes-Maritimes

- Fabrice BRUN, député de l'Ardèche

- Dino CINIERI, député de la Loire

- Pierre CORDIER, député des Ardennes

- Josiane CORNELOUP, député de Saône-et-Loire

- Julien DIVE, député de l'Aisne

- Philippe GOSSELIN, député de la Manche

- Michel HERBILLON, député du Val-de-Marne

- Marc LE FUR, député des Côtes-d'Armor, vice-président de l'Assemblée nationale

- Constance LE GRIP, député des Hauts-de-Seine

- Jérôme NURY, député de l'Orne

- Éric PAUGET, député des Alpes-Maritimes

- Bernard PERRUT, député du Rhône

- Bérengère POLETTI, député des Ardennes

- Julien RAVIER, député des Bouches-du-Rhône

- Frédéric REISS, député du Bas-Rhin

- Jean-Luc REITZER, député du Haut-Rhin

- Bernard REYNÈS, député des Bouches-du-Rhône

- Nathalie SERRE, député du Rhône

- Michèle TABAROT, député des Alpes-Maritimes

- Robert THERRY, député du Pas-de-Calais

- Guy TEISSIER, député des Bouches-du-Rhône

- Laurence TRASTOUR-ISNART, député des Alpes-Maritimes

- Michel VIALAY, député des Yvelines

- Stéphane VIRY, député des Vosges

 

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