Guerre en Ukraine : un Algérien raconte sa fuite effrayante de Kiev

Alors que la veille rien ne présageait les bombardements, tôt le matin, les attaques russes commencent. Devant cette scène catastrophique, la seule alternative est de fuir ; mais où et comment ? Un jeune étudiant algérien s'est confié au quotidien El Watan pour réciter son déplacement cauchemardesque, depuis Kiev jusqu'à Paris. Un parcours digne des séries télé !

Originaire de Tigzirt, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, Younès Ouharchaou, est étudiant résidant à Kiev. Avec d'autres amis, étudiants algériens, ils ont vécu des moment difficiles dans leur mésaventure pour fuir la guerre. Menant une vie paisible à Kiev, la capitale ukrainienne, où il travaille pour subvenir à ses besoin, d'un seul coup, elle se transforme en enfer ! «J’étais dans une ville relevant de Kiev. Avec la situation actuelle, elle est devenue une zone très sensible où le risque est omniprésent, car elle n’est pas loin de l’aéroport militaire», confie-t-il.

Pourtant, malgré le conflit qu'il y a entre la Russie et l'Ukraine, et la tension entre les deux Etats depuis des années, aucun signe n'a pu révélé aux habitant de Kiev que le pire se produirait en cette nuit du mercredi au jeudi 24 mars. "J’ai travaillé jusqu’à 23h. Rien ne présageait ce qui s’est passé jeudi. La ville était paisible", avant d'ajouter :"Les gens voyaient le conflit russo-ukranien, certes, comme une menace, mais pas au point de vivre le cauchemar de cette journée fatidique. 12 heures avant, tout le monde vaquait à ses préoccupations quotidiennes», témoigne-t-il avant de livrer son périple.

"Des gens fuient leurs maisons"

«... Le premier jour de l’action militaire russe en Ukraine, à 4h du matin, nous avons entendu le bruit des explosions. L’immeuble a presque vacillé, on aurait dit un séisme. Puis, nous nous sommes levés pour voir ce qui se passait. Nous avons vu un mouvement inhabituel.", raconte Younes qui habitait avec ses trois amis Algériens, originaires  de Tizi Ouzou, Boghni et Tiaret.

Et de poursuivre son récit :"Des gens fuyaient leurs maisons. Juste quelques minutes après, d’autres déflagrations ont suivi. Finalement, il y a eu des bombardements à proximité de l’aéroport militaire. Une heure après, vers 5h, tout le monde est sorti et courait vers d’autres directions. L’essentiel était de fuir cette localité exposée au danger". Et c'est le début d'une cavale digne des films d'action...

Tout était à l’arrêt

"Le déplacement était très difficile. Il y avait d’autres étudiants algériens qui habitaient dans la même ville. Je les ai contactés pour venir nous rejoindre dans le quartier afin de décidé comment quitter rapidement la ville, qui est vraiment exposée au danger. Nous avons ensuite décidé de partir, surtout que nous avons vu que même des Ukrainiens prenaient la fuite." a-t-il confié.

Et d'ajouter : "Vers 14h, nous sommes sortis pour rejoindre à la capitale, Kiev, via un fourgon de transport, pour nous déplacer ensuite à Leviv, qui est située à 75 kilomètres de la frontière polonaise. Mais, finalement, tout était à l’arrêt. Il n’y avait pas de transport. Nous avons pris la direction de la gare ferroviaire pour partir directement à Leviv sans passer par la capitale. Mais, nous avons trouvé une foule immense devant les guichets, fermés à 18h.".

A leur grande surprise, les guichets étaient fermés pour pourvoir se procurer de tickets : "Donc, il n’y avait plus de vente de tickets. Nous avons donc décidé, à quatre, de prendre le train  sans billet. Les autres étudiants n’ont pas voulu prendre le risque. Mais, à l’entrée du quai, il y avait des contrôleurs qui nous ont refusé l’accès étant donné que nous n’avions pas de ticket. Nous avons donc attendu le deuxième train jusqu’à 1h du matin pour pouvoir monter miraculeusement dans la rame".

"Nous avons trouvé des taxis, mais le prix est excessivement cher"

En arrivant à destination, pour rejoindre le poste frontalier, ils devraient prendre un taxi. Mais, à quel prix ? «En arrivant à Leviv, nous avons trouvé des taxis, mais le prix du déplacement vers un village, pas loin de la frontière, est excessivement cher. Les chauffeurs de taxi nous demandaient 450 dollars pour une courte distance.", a fait savoir le fils de Tigzirt.

Face à ce chantage qui ne dit pas son nom, les deux étudiants ont quand pris leur mal en patience, et ils ont pu dépasser cette étape. "Après une petite attente, nous avons réussi, grâce à une application mobile, à trouver un taxi qui nous a acheminés, pour 150 dollars, jusqu’à 25 kilomètres des frontières. Nous n’avons pas pris beaucoup de bagages et étant des sportifs, nous avons pu parcourir le trajet en peu de temps, contrairement à beaucoup de gens qui ont été obligés d’abandonner des valises et même les poussettes d’enfant sur leur chemin en raison de la fatigue.", confie-t-il.

"C'est un véritable cauchemar"

"Des scènes vraiment difficiles à décrire. C’est un véritable cauchemar. Nous avons passé des heures et des heures à faire la queue au poste frontalier où des policiers nous poussaient, parfois avec des matraques.", avoue-t-il.

Mais, tout de même, ils ont pu, lui et son ami, passer ce poste frontalier : "Un étudiant, originaire de Bouzeguène (Tizi Ouzou), et moi avons réussi, malgré les coups de matraque des policiers, à passer difficilement, mais les deux autres sont restés dans l’impressionnante file d’attente devant le poste frontalier, où nous avions passé 21 heures d’attente à subir les éprouvantes bousculades. C’était intenable. Nous avons encore passé environ quatre autres heures à la PAF de Pologne avant d’avoir un billet de sortie de 53 jours."

"C'est vraiment éprouvant"

Une fois le poste frontalier passé, c'est le grand soulagement : "Nous avons trouvé des associations d’aide qui nous ont remis des cartes puces de téléphone, de la nourriture et même des vêtements. Nous avons pris le transport vers Varsovie. Nous étions contraints, donc, de passer la nuit à l’hôtel avant de prendre le bus Varsovie-Paris (27 heures)", une sorte de délivrance, dit-il.

Et de conclure : "Ce n’est qu’en arrivant à Paris, accueilli par des amis, que j’ai ressenti un petit soulagement. Plus de trois jours d’intense galère. C’est vraiment éprouvant. Les deux autres étudiants qui étaient avec nous sont toujours coincés au poste-frontière. Je les ai appelés, ils  m’ont dit qu’il est quasiment impossible de passer la frontière", raconte-t-il.

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