Beaucoup de sans-papiers en France souffrent de l'exploitation et de la maltraitance de leurs employeurs. Contraints de fuir les affres du chômage et de la misère, ils préfèrent subir leurs diktats que de se retrouver livrés à eux mêmes. Ces immigrés doivent tenir bon, en attendant des jours meilleurs. Ils n'ont pas le choix ; mais jusqu'à quand !
C'est le cas de Samir, un algérien qui vit en situation irrégulière en France. L'algérien dénonce les conditions de travail chez le groupe de livraison DPD, en région parisienne. Il a entamé un mouvement de grève avec 70 autres collègues, eux aussi sans-papiers.
"J’ai commencé à travailler pour le groupe de transport et de livraison DPD France à Le Coudray-Montceaux dans l’Essonne, en région parisienne, en novembre 2020. J’ai été embauché avec une fausse carte d’identité italienne.", a-t-il dit, en reconnaissant qu'il a travaillé avec de faux papiers.
"C'était de l'esclavage"
Au début, l'algérien déchargeait les camions chargés de gros meubles : des tables, des armoires, des chaises, des pièces de voiture… Comme il travaillait bien et que ses responsables étaient satisfaits de son rendement, il est rapidement passé chef d’équipe.
Fatigué de ses conditions de travail proches de "l'esclavage", Samir déclare qu'il a plein d’exemples pour justifier ses propos : "Dans mon entrepôt, il y avait énormément de personnes sans-papiers, comme moi. Certains travaillaient avec des faux papiers, d’autres avec des alias, les papiers d’une autre personne. Au fur et à mesure, le travail est devenu de plus en plus dur. Les managers nous exploitaient, c'était de l'esclavage".
"Si on se plaint, on nous vire"
À ses débuts, raconte-t-il, ils étaient deux pour décharger un camion. Avec le temps, une seule personne était missionnée pour cette tâche. Pareil, pour le tri des colis : au départ, ils étaient en tout six personnes puis ils sont passés à seulement trois personnes.
"Une fois, un salarié s’est blessé la jambe en déchargeant un camion. J’ai demandé aux responsables d’appeler une ambulance pour le transporter à l’hôpital. Ils ont refusé et l’ont fait sortir de l’usine. Il n’est jamais revenu travailler et n’a pas pu déclarer un accident du travail.", témoigne le jeune sans-papier algérien, pour faire savoir les conditions dans lesquelles ils travaillent.
Et d'ajouter : "Si on se plaint, on nous vire. Si on refuse de faire des heures supplémentaires, on met un terme à notre contrat. Il arrive aussi qu’on ne nous paye pas nos heures travaillées. Quand on le fait remarquer aux comptables de Derichebourg, sous-traitant de DPD, on nous répond que ce sera fait le mois prochain mais c’est rarement le cas.", a-t-il regretté.
"On n'a pas le choix"
Samir révèle que personne ne critique ces conditions de travail, par peur des représailles. En effet, ils ont dû accepter de travailler 10 heures par jour, "car on n’a pas le choix", a-t-il confié, avant d'ajouter :"On n’a pas de papiers en règle, on a besoin de gagner de l’argent pour régler nos charges."
Il y a quatre mois, ils ont décidé de passer à l'action. Avec environ 70 autres collègues de travail, ils ont décidé de faire grève, avec l’aide de syndicats. "On a installé un piquet à l'intérieur de l’entreprise et devant le site, au niveau de l'entrée du personnel, pour demander de meilleurs conditions de travail ainsi que des justificatifs nous permettant d'être régularisés.", témoigne-t-il.
"On reste soudés"
Après 17 jours d’occupation, le tribunal d'Évry, saisi par l’entreprise, leur a ordonné de quitter les locaux. "On a donc décidé de rester devant la société. Mais début février, la mairie de la ville a demandé l’évacuation des lieux. La police nous a délogés. Dorénavant, on vient tous les jours de 10h à 15h devant les locaux", raconte Samir.
Leur mouvement a abouti à des négociations avec Derichebourg et la préfecture, "mais pour l’instant les discussions piétinent", regrette Samir. "Seules une vingtaine de personnes, sur 70, ont obtenu des garanties de Derichebourg. Mais ce n'est pas suffisant. Nous, on continuera le mouvement tant que tout le monde n’aura pas obtenu satisfaction. On reste soudés.", a fait savoir le jeune algérien.