Etudiants algériens : la face cachée des visas d’études en France (Contribution)

La communauté estudiantine algérienne en France est considérée comme la deuxième plus importante après le Maroc et devant la Chine. Avec 31 196 inscrits en 2019, les Algériens  représentent actuellement 9% des étudiants étrangers. 

Beaucoup d’entre eux n’envisagent le passage par les universités françaises que comme un tremplin pour partir ailleurs une fois diplômés : au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis principalement.

Les résultats d’une enquête du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), auprès des étudiants algériens en France, font ressortir que « 78% des étudiants déclarent ne pas avoir l’intention de retourner en Algérie à la fin de leurs études ». 57% d’entre eux envisagent de s’installer en France, tandis que 21% se préparent à partir pour un autre pays. Seuls 22% envisagent de retourner en Algérie.

La France une destination pratique

La proximité géographique, les liens historiques, qui existent entre les deux pays, la langue et le coût abordable des études, en dépit de la hausse, constituent les premières raisons qui poussent les étudiants algériens à choisir la France pour poursuivre leurs études à l’étranger. « L’accès à la langue française est un facteur très motivant pour nos étudiants, sans oublier la qualité de la formation, la disponibilité de la procédure Campus France, ainsi que la renommée mondiale des universités françaises », soutient Leila, en France pour un master en linguistique.

« La France, reste pour moi, la destination la plus pratique pour la langue et la culture en plus de la gratuité des études et de la proximité avec l’Algérie et c’est aussi la plus abordable du côté financier », explique Aghiles, étudiant en anthropologie. En effet, les frais demandés par les établissements publics français restent abordables malgré les dernières hausses décidées par les autorités françaises. Les tarifs ne dépassent, pas les 3770 euros, selon la formation.

Démarches complexes et galère bureaucratique !

Mais pour obtenir le précieux sésame qui permettrait aux prétendants à un visa d’étude, de fouler le sol français, un long périple administratif se met à travers de leur chemin. La procédure de demande de visa d’études est gérée par Campus France Algérie, conjointement avec les services consulaires français : examen TCF, entretien, constitution de dossier, frais d’inscription, boite…. Un tas de procédures complexes et infinies au point où nombreux étudiants se perdent à mi-chemin et renoncent à leur rêve.

Ces démarches administratives coûtent à chaque candidat une petite fortune, sans parler d’obstacles bureaucratiques. Certains refont les démarches plusieurs années avant d’avoir leur visa.

Une fois installé en France, ce n’est guère la fin de la galère, mais bientôt un nouveau parcours de combattant qui commence. Il faut constituer d’abord un dossier pour la demande d’un titre de séjour avec à l’appui un justificatif financier d’un minimum de 5000 euros par an. «Les démarches sont compliquées. Les préfectures sont exigeantes et très lentes dans le traitement des dossiers», témoigne Leila.

Hébergement, l’autre accroc !

Si au niveau financier la France est attractive, la question du logement reste problématique. Les étudiants locaux sont privilégiés dans l’attribution des chambres universitaires et le prix des loyers ne correspond pas toujours aux moyens financiers dont disposent les étudiants algériens, notamment dans les grandes villes comme Paris et Lyon. « J’étais obligé de travailler afin de pouvoir payer les frais de loyer », nous dit Aghiles.

Pour parer à ce problème, beaucoup d’étudiants sont obligés de compter sur la famille déjà installée en France ou bien sur la solidarité des autres étudiants algériens qui n’hésitent pas à s’héberger les uns les autres.

Accords de 1968, une législation discriminante pour les algériens

La France compte prés de 32 000 étudiants algériens. Mais beaucoup d’entre eux, vivent dans la précarité en raison principalement d’une législation contraignante et de l’indifférence de l’État Algérien. En effet, les étudiants algériens en France ne dépendent pas du droit commun comme les autres étudiants étrangers  mais bien de ces accords qui datent d'un demi-siècle. Ainsi, la réalité se fige et s’impose en face de ces étudiants algériens.

Contrairement à tous les étudiants étrangers, seuls les algériens ne peuvent pas travailler avec un «récépissé de demande de carte de séjour» sur lequel est clairement mentionné : «n’autorise pas son titulaire à travailler», Cette loi forme autour de nos étudiants un véritable cercle vicieux, une règle très contraignante est exceptionnellement appliquée aux étudiants algériens leur imposant une autorisation provisoire de travail délivrée sur présentation d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail.

Ces jeunes, destinés à devenir de hauts cadres dans de multiples spécialités, deviennent parfois des ouvriers intérimaires, agents de sécurité, marchands ambulants ou chefs d’entreprise dans le nettoyage, le bâtiment ou le déménagement.

Les étudiants algériens lancent un SOS aux autorités algériennes et françaises, les implorant de «mettre fin à cette humiliation»

Travail à la sauvette !

Avant d’espérer trouver un emploi, il faut patienter d’abord deux mois, au minimum, pour l’obtention du fameux titre de séjour : « il m’a fallu quatre mois pour que j’obtienne mon titre de séjour » a confirmé Leila. Ensuite, place à la recherche d’un  petit job d’étudiant, chose qui est tout sauf évidente vu les contraintes administratives.

La seule alternative qui reste à nos étudiants serait le travail au noir, notamment à Paris. Ceux qui ont de «la chance» intègrent toute sorte de corps professionnels, les plus improbables vu leur parcours universitaire. On les retrouve dans les marchés, les chantiers, le nettoyage et plusieurs ont le «privilège» de travailler dans la restauration ou dans des agences de sécurité.

La difficulté de trouver un bon travail rémunérateur pénalise doublement les étudiantes qui se contentent de faire quelques heures de baby-sitting par semaine, travailler dans les marchés hebdomadaires, faire le ménage chez des particuliers ou, d’une manière très précaire, exercer dans le nettoyage industriel.

Les études se trouvent donc, reléguées à un rang inférieur dans la hiérarchie des préoccupations. Les plus pugnaces et persévérants continuent, tant bien que mal, leurs études. Pour ce faire, ils peuvent compter sur des crédits et le soutien financier de leur famille. Ils sollicitent aussi l’aide des associations caritatives, comme les restos du cœur.

Une nouvelle législation

Le constat est alarmant pour ne pas dire choquant. Face à l’interdiction de travailler, l’acharnement administratif, les risques d’expulsion et le sentiment de déshérence, les étudiants algériens en France sont victimes d’une législation discriminante et absurde datant de la postindépendance.

Cette mesure d’exception qui stigmatise nos compatriotes constitue un important handicap pour mener à bien leurs études. Leur situation interpelle la Nation dans son honneur. Les responsables doivent agir au plus vite pour défendre l’intérêt et la dignité de nos compatriotes étudiants qui se sont exilés en quête de savoir, armés de leur seule volonté et du désir de réussir.

Par leur succès, un grand nombre d’entre eux fera demain la force et la fierté de l’Algérie pourvu qu’on leur offre les moyens. C’est pourquoi l’État algérien a le devoir de les considérer en leur accordant  les outils juridiques nécessaires pour qu’ils obtiennent tous les droits que leur attribuent le pays d’accueil, la France.

L’intérêt pour notre pays est de leur ouvrir les portes du retour afin que la nation puisse bénéficier de leur savoir-faire acquis dans les grandes universités françaises.

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